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Pourquoi la modération budgétaire doit être de mise dans le monde en 2024, plus grande année électorale de l’histoire

Les pouvoirs publics doivent maintenir le cap du rééquilibrage budgétaire dans un contexte d’endettement croissant.

Les perspectives économiques et financières mondiales ont évolué favorablement au cours des six derniers mois. L’inflation a reculé, les conditions financières se sont assouplies et les risques qui pèsent sur les perspectives se sont équilibrés. Toutefois, bon nombre de pays continuent de faire face à une forte dette publique et à d’importants déficits budgétaires, alors que le niveau élevé des taux d’intérêt réels et la morosité des perspectives de croissance à moyen terme créent de nouveaux problèmes.

Dans notre dernière édition du Moniteur des finances publiques, nous appelons les gouvernements à éviter les dérapages budgétaires et à se consacrer davantage à la reconstitution des marges de manœuvre et à la sauvegarde de la viabilité des finances publiques à moyen terme.

La politique budgétaire est devenue plus expansionniste l’an dernier, après que les niveaux d’endettement et de déficit ont connu une amélioration rapide au cours des deux années précédentes. En 2023, seule la moitié des pays du monde ont procédé à un resserrement de leur politique budgétaire, contre environ 70 % en 2022.

Quatre ans après le début de la pandémie, les dépenses publiques, à l’exclusion des paiements d’intérêts, dépassaient d’environ 3 points de pourcentage du produit intérieur brut (PIB) les projections établies avant la pandémie dans les pays avancés et de 2 points de pourcentage dans les pays émergents. Ce niveau de dépenses témoigne de la lenteur du retrait des politiques budgétaires adoptées pendant la crise et de l’introduction de nouvelles formes d’aide, ainsi que de nouvelles mesures de politique industrielle, dont des subventions et des incitations fiscales. La hausse des taux d’intérêt nominaux a accru les charges d’intérêt dans la plupart des pays.

La dette publique mondiale a légèrement augmenté, à 93 % du PIB en 2023, et demeure à 9 points de pourcentage au-dessus de son niveau antérieur à la pandémie. Cette hausse est tirée par les deux plus grandes puissances économiques, les États-Unis et la Chine , où la dette a augmenté respectivement de plus de 2 points et de 6 points de pourcentage du PIB.

La conjoncture de ces deux pays est également déterminante pour l’évolution et les perspectives budgétaires au niveau mondial. Le ralentissement de la croissance en Chine pourrait peser sur la croissance et le commerce mondiaux et poser des problèmes budgétaires aux pays qui entretiennent des liens commerciaux et d’investissement étroits avec ce pays. Un niveau élevé mais instable des rendements des obligations d’État aux États-Unis conduirait à un durcissement des conditions de financement dans le reste du monde.

Cette année devrait connaître une reprise modérée du resserrement budgétaire, mais la situation reste très incertaine.

En 2024, un nombre record de pays, représentant plus de la moitié de la population mondiale, organisent des élections nationales. Il est avéré que les États ont tendance à dépenser plus et à taxer moins pendant les années électorales. Les déficits enregistrés ces années ont tendance à dépasser les prévisions de 0,4 point de pourcentage du PIB, par rapport aux années sans élections. En cette grande année électorale, les pouvoirs publics doivent faire preuve de modération budgétaire pour assurer la bonne santé des finances publiques.

Même si un léger resserrement budgétaire est prévu à moyen terme, il ne suffira pas à stabiliser la dette publique dans de nombreux pays. Dans le chapitre concerné, nous montrons que, sur la base des politiques actuelles, les déficits primaires (hors charges d’intérêt) resteront supérieurs aux niveaux de stabilisation de la dette en 2029 dans environ un tiers des pays avancés ou émergents et dans près d’un quart des pays en développement à faible revenu. L’ampleur des ajustements supplémentaires à apporter est variable. En moyenne, la réduction requise des déficits primaires est particulièrement conséquente dans les pays émergents dont les ratios dette publique/PIB sont en hausse selon nos projections. Nous estimons cette réduction à 2,1 points de pourcentage du PIB. Les groupes de pays visés dans ce paragraphe comprennent les deux principales puissances économiques, les États-Unis et la Chine, dans l’agrégat approprié.

En l’absence de mesures supplémentaires, la normalisation de la politique budgétaire à son niveau antérieur à la pandémie pourrait prendre des années. Les pressions à la dépense pour faire face aux enjeux structurels, notamment les transitions démographique et écologique, s’intensifient, tandis que le ralentissement des perspectives de croissance et la persistance de taux d’intérêt élevés risquent de restreindre encore l’espace budgétaire dans la plupart des pays.

Les pays doivent déployer des mesures résolues pour préserver la viabilité de leurs finances publiques et reconstituer leurs marges de manœuvre budgétaires. La cadence du processus de rééquilibrage doit être adaptée en fonction des risques budgétaires et des conditions macroéconomiques propres à chaque pays. Les pays devront faire preuve de fermeté lorsque les risques souverains sont élevés et que la crédibilité budgétaire fait défaut.

Les autorités devraient procéder sans délai à l’élimination progressive des mesures budgétaires adoptées pendant la crise, notamment les subventions à l’énergie, et poursuivre les réformes pour limiter l’augmentation des dépenses et protéger les populations les plus vulnérables. Les pays avancés où la population est vieillissante devraient contenir les pressions sur les dépenses de santé et de retraite en procédant à des réformes des droits à prestations et en prenant d’autres mesures.

Les recettes devraient évoluer de concert avec les dépenses. Les pays avancés pourraient augmenter leurs recettes en ciblant les bénéfices excessifs dans le cadre de l’impôt sur les sociétés. Les pays émergents et les pays en développement pourraient accroître leurs recettes fiscales potentielles par l’élargissement des bases d’imposition, le perfectionnement des systèmes fiscaux et l’amélioration de l’administration des recettes. Nos études montrent que de telles mesures pourraient, dans des circonstances idéales, générer jusqu’à 9 % de PIB supplémentaire.

Une vision à moyen terme de la planification et de l’exécution budgétaires est indispensable pour garantir la solidité et la viabilité des finances publiques. Une plus grande transparence des finances publiques et l’utilisation accrue des technologies modernes, désignées par le terme « GovTech », profiteraient à tous les pays. Pour les pays en situation de grave surendettement, il est important de procéder à une restructuration ordonnée et rapide de la dette. La poursuite de la coopération internationale, notamment par le biais du cadre commun du Groupe des Vingt et de la table ronde mondiale sur la dette souveraine, est indispensable pour que le processus de restructuration de la dette soit efficace.

—Ce billet est basé sur le chapitre 1 du Moniteur des finances publiques d’avril 2024 .

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